La tragédie de Farmakonisi et la fin brutale de l’asile en Europe

latuffL’évolution de politiques d’immigration en Europe ces dernières années a restreint petit à petit les possibilités d’immigration légale. La crise économique et la montée de l’extrême droite ont installé une ambiance malsaine avec pour conséquence indirecte la difficulté croissante d’accéder au sol européen y compris pour les réfugiés politiques.

Souvent cette difficulté est extrême et prend la forme d’une répression violente voire de crimes. Ainsi, régulièrement, des centaines de migrants subissent la violence des garde-côtes aux abords de l’enclave espagnole de Melilla. En décembre dernier des images ont circulé du traitement dégradant de migrants sur l’île italienne de Lampedusa : dénudés en plein air ils sont aspergés d’un produit contre la gale, dans un camp de rétention.

Mais cette semaine en Grèce un degré supplémentaire dans l’horreur a peut être été franchie. Le matin du 21 janvier un bateau de pêche avec 28 personnes à bord, pour la plupart Afghans, est entré dans les eaux territoriales grecques, près de Farmakonissi (l’île du pharmakon, remède et poison à la fois). Dans les heures qui ont suivi, après l’interception du bateau par les garde-côtes, 12 réfugiés se sont noyés, dont neuf enfants.

Comme l’explique le Courrier de Balkans il existe deux version contradictoires de ce qui s’est passé. La version officielle, qui parle d’accident. Et la version des survivants :

« Dès que le bateau à été identifié, la garde côtière à décidé de refouler les réfugiés et de remorquer le bateau en direction des côtes turques (…) des survivants ont affirmé à des agents du Haut Commissariat aux Réfugiés (UNHCR) que les gardes repoussaient les personnes tombées à l’eau qui essayaient de monter sur la vedette. Ils auraient même frappé ceux qui tentaient de faire passer des gilets de sauvetage. »

Très vite l’UNHCR, le Commissaire du Conseil de l’Europe aux Droits de la personne Nils Muiznieks et de nombreuses ONG ont mis en cause la responsabilité des garde-côtes. La réponse du ministre de la Marine marchande, Miltiadis Varvitsiotis, pur produit du népotisme politique local, était que ces instances internationales veulent causer du tort à la Grèce. La police quant à elle, dans une tentative d’intimidation, a arrêté cinq de survivants à leur arrivée à Athènes pour vérifier que leur documents étaient en ordre.

Si la responsabilité des garde-côtes dans le naufrage est avérée, ce qui est tout à fait probable, il s’agirait d’un crime d’État résultant d’une politique systématique. En effet, quelques semaines plus tôt un enregistrement du chef de la Police grecque a été divulgué dans lequel celui-ci expliquait qu’il fallait rendre « la vie invivable aux réfugiés ». En 2011, un député de la Nouvelle démocratie, parti du premier ministre Samaras, a déclaré sous les applaudissements que la protection des frontières contre les “clandestins” nécessitait de morts.

Les tortures, les traitements inhumains et les conditions de rétention dégradantes dont les réfugiés font l’objet en Grèce constituent donc un choix politique assumé par le gouvernement dont le but déclaré est de dissuader l’immigration, y compris celle de ceux qui fuient de regimes dictatoriaux et de guerres. Mais la politique de la Grèce – mais aussi celle de l’Italie ou de l’Espagne – aussi inhumaine soit-elle est de facto une politique frontalière de l’Europe.

En Grèce la situation est extrême à cause de l’effondrement de l’économie, la crise humanitaire et l’emprise du fascisme dans le pays. Dans un tel contexte le soutien avéré de l’UE au gouvernement grec actuel légitime politiquement les crimes que celui-ci perpétue.

Les dirigeants des pays du nord de l’Europe sous-traitent ainsi la répression des flux migratoires en fermant les yeux sur les crimes qu’elle implique. De cette façon ils pensent répondre aux relents xénophobes de plus en plus forts au sein de leur propre population. Mais en réalité l’Europe est en train de s’empoisonner du pharmakon raciste et autoritaire qu’elle s’inflige elle-même.

Leave a Reply

Your email address will not be published.