Sur la question du soutien au gouvernement de Syriza

a50c6832a2_IgNobel_Logo_TheAnnalsofImprobableResearch_04 Il apparaît des récents épisodes du feuilleton des négociations entre la Grèce et ses créanciers qu’on s’achemine vers une sorte de dénouement sans savoir lequel. Le retardement du paiement du FMI par la Grèce semble indiquer que toutes les options restent ouvertes, y compris les plus radicales.

Les données du problème sont connues : d’un côté un gouvernement sous asphyxie financière, sincèrement dévoué à trouver une solution dans le cadre de l’union monétaire et politique de l’UE (quoi qu’on pense de cette option) et qui a d’ores et déjà fait des grandes concessions par rapport au programme sur lequel il a été élu (voir dernière proposition grecque, PDF de 46 pages en anglais), au point d’être régulièrement critiqués pour ses reculs et renoncements (voir les nombreux écrits à ce sujet de Stathis Kouvelakis).

De l’autre côté, des créanciers (FMI, UE et BCE) aux stratégies divergentes, qui ont déjà infligé une politique catastrophique à la Grèce pendant cinq ans et dont la dernière proposition (après 3 mois de négociations technocratiques) est à la limite du mépris. Un observateur neutre et de bonne foi peut s’interroger alors : pourquoi une telle provocation ? Quelles sont les raisons de cette attitude de la part des « institutions » et où nous mène-t-elle ?

Il est utile de rappeler ici une donnée fondamentale du problème qu’on a tendance à oublier vu de France : le diffèrent est politique avant d’être économique. La question centrale que pose le problème grec à ce stade est le suivant : est-il possible de mener une politique keynésienne de relance et un rééquilibrage du rapport de force entre capital et travail dans le cadre de l’union monétaire actuelle ?

Effectivement, au grand dam des anticapitalistes, du point de vue du gouvernement grec dans la conjoncture actuelle il n’est pas question de socialisation des moyens de production, ce qu’on peut regretter. Il n’y a pas non plus lieu à espérer l’instauration progressive de l’écosocialisme ou de toute autre forme de régime politique post-capitaliste, en tout cas pas à court terme.

Il est simplement question de modifier le partage des richesses dans un petit pays de la périphérie de l’Europe en favorisant les classes laborieuses. Et par la même mettre à bas les forces réactionnaires et autoritaires qui y détiennent encore aujourd’hui une part importante du pouvoir réel.

Pour les créanciers les sommes en jeu d’un point de vue purement comptable sont ridicules comparées aux flux financiers internationaux. Reste donc comme enjeu politique central l’orientation politique et économique de l’Union européenne et sa capacité d’accepter en son sein une autre politique démocratiquement choisie par les citoyens.

Naturellement, sur un tel enjeu de taille se greffent des logiques politiques locales et internes aux différentes parties prenantes, ça vaut autant pour Syriza que pour la CDU. Il n’en demeure pas moins que c’est bien l’avenir de l’Europe qui se joue là où émergent des forces alternatives à la gauche de la social-démocratie capables de prétendre au pouvoir.

C’est donc sous ce prisme que doivent être analysées les stratégies des acteurs du problème grec et les conséquences de celles-ci pour le reste de l’Europe. C’est alors qu’on comprend que, indépendamment de leurs différences, le plus petit dénominateur commun entre les créanciers de la Grèce est leur volonté de contenir le moindre écart à l’orthodoxie politique, faite d’idéologie néolibérale et d’européanisme béat, qui domine parmi les élites de l’Union.

Finalement la grande inconnue dans cette affaire est l’attitude du gouvernement de Tsipras et du peuple grec. Céderons-t-ils à la tentative d’écrasement de cette expression démocratique de la lutte de classes qu’a été l’élection d’un gouvernement de gauche ? Et que précisément veut dire  « céder »? Ou met-on le curseur entre la victoire, la défaite et le compromis acceptable ? Y en a-t-il un ?

Est-ce que l’espace de l’Union européenne, où au demeurant nous vivons, constitue le bon terrain pour se battre ? Ou faudrait-il s’en affranchir et sortir de ce carcan institutionnel et idéologique si on veut espérer un jour l’émergence d’une société émancipée ? Ce sont là des questions importantes et légitimes auxquelles chacun doit répondre.

Il y a une chose cependant qui est claire : les forces auxquelles fait face le gouvernement grec représentent les intérêts de la classe dominante, celle qui tire le plus de bénéfice de la situation actuelle que ce soit en Grèce, en Espagne, en France ou en Allemagne. Ces sont ses forces qui sont aux commandes à Paris, à Berlin et à Madrid et auxquelles il faut résister, ici et maintenant. Et tant que le gouvernement grec ne passe pas lui aussi de l’autre côté, notre soutien, critique, doit être fort et clair.

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