Grèce-Turquie. Éviter le scénario catastrophe

A Turkish seismic research vessel is escorted by naval ships

Cette tribune a été publiée par l’Humanité le 18 Septembre 2020

Depuis de nombreux mois les relations entre la Turquie et la Grèce se dégradent. Chaque jour la tension monte entre les forces armées de deux pays avec le risque croissant d’un accident qui déclencherait une guerre aux frontières de l’Europe.

Les litiges entre les deux pays sont attisés par les intérêts économiques énormes qui se jouent actuellement dans l’attribution de droits d’exploitation pour les gisements de gaz dans l’est de la Méditerranée. Israël, les Pays du Golfe, l’Iran, la Russie ainsi que les puissances occidentales profitent de la situation pour jouer les intermédiaires ou former des alliances afin de promouvoir leurs intérêts géopolitiques. La Libye, déchirée par la guerre civile, et l’Egypte, sous un régime autocratique, constituent également des pions dans ce jeu dangereux.

Enfermés dans leurs certitudes les nationalistes turcs et grecs poussent à la confrontation, encouragés par des médias sensationnalistes au discours démagogique. Les gouvernements d’Erdogan et de Mitsotakis y trouvent une occasion pour renforcer leur pouvoir en jouant la carte de l’union nationale contre l’« ennemi héréditaire ». Le premier est dans une fuite en avant impérialiste et autoritaire. Le second en voie d’« orbanisation » galopante utilise la tension avec la Turquie pour faire diversion de sa politique antisociale et sa dérive népotiste

De leur côté les marchands d’armes internationaux attisent les peurs, avec l’appui des pays comme la France. Ainsi, après le soutien exprimé à la Grèce par Emmanuel Macron – au nom du respect du droit international -, le gouvernement grec a annoncé une commande d’armes français (avions Rafale fabriqués par Dassault et frégates Belharra du Naval Group) à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Pourtant, la Grèce est le pays le plus endetté de l’EU et son économie est en ruines. La Turquie fait face à une inflation galopante et connaît une dépression durable. Les deux pays ont d’autres besoins plus urgents que de s’armer davantage.

Il est évident que les peuples turcs et grecs n’ont rien à gagner d’une guerre ouverte, ni d’un conflit larvé qui pousse à la course aux armements. Ils subissent déjà depuis plusieurs années les conséquences de la crise économique. Ils ont porté en grande partie le fardeau de la crise migratoire déclenchée par la violence de la guerre. En pleine pandémie, à un moment où se joue l’avenir de nos sociétés sous la menace du réchauffement climatique, il est inacceptable de mettre de mettre en péril la paix pour enrichir des compagnies pétrolières internationales et des intermédiaires corrompus.

De deux côtés de la mer Egée des demandes se font jour pour une interdiction totale des forages en Méditerranée. L’extraction de pétrole et de gaz en pleine mer menace la biodiversité, les ressources naturelles et l’activité touristique de deux pays. Elle est à rebours des objectifs mondiaux de lutte contre le changement climatique. Elle mène à la corruption et à la dépendance économique.

Il est impératif d’imposer un moratoire dans l’exploration pétrolière et gazière dans la région ainsi qu’une désescalade militaire immédiate entre la Turquie et la Grèce. L’Union européenne, dont la Grèce et Chypre sont membres et la Turquie candidat à l’adhésion, doit prendre une initiative dans ce sens et ne pas laisser ce rôle à une alliance militaire, l’OTAN. Les gouvernements de la Turquie et de la Grèce doivent faire preuve de retenue et changer radicalement d’orientation en adoptant une politique à même de garantir la paix et la prospérité partagée. Il y a urgence à agir dans ce sens.


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