A travers la grève de la faim de Nikos Romanos, la Grèce continue sa descente aux enfers

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Athènes, 6/12/2014. Photo @mkhalili

Loin des feux de l’actualité le drame grec continue à se dérouler : austérité extrême, naufrage social, impasse politique. La grève de la faim de Nikos Romanos, anarchiste de 21 ans emprisonné symbolise la descente aux enfers du pays.

Le contexte économique

Comme le mauvais élève qui gâche l’image de la classe idéale, l’échec flagrant grec rappelle à l’Europe que la recette de l’austérité extrême qu’elle impose à son Sud est une voie sans issue. Alors que l’Espagne, le Portugal et surtout l’Irlande sont officiellement sortis du régime de la Troïka, prouvant ainsi aux yeux des convaincus que le remède était bon, la Grèce est à la peine.

La tentative du gouvernement de Samaras de mettre la Troïka devant le fait accompli, en empruntant sur les marchés financiers, pour se débarrasser de la sa tutelle étouffante, a échoué lamentablement. Avec une naïveté et un amateurisme de notable de province, le Premier ministre s’est mis à dos ses propres alliés : le gouvernement allemand, la Commission européen, le FMI.

Désormais les créanciers ne lui feront plus de cadeaux. C’est ainsi que leurs exigences se sont encore durcies et les humiliations se sont multipliées en ce mois de décembre. Plutôt qu’une sortie du « Mémorandum », la tutelle directe du pays par la Troïka, les créanciers proposent une prolongation de celui-ci au-delà de sa fin officielle, fin 2014.

Mais pour ce faire, et pour débourser les milliards du prêt promis qui empêchent la banqueroute, ils demandent toujours plus et plus vite : augmentations nouvelles de la TVA, relèvement supplémentaire de l’âge du départ à la retraite, gel de pensions jusqu’en 2017, diminution des salaires de fonctionnaires, coupes additionnelles dans le budget de l’Etat…De quoi détruire un peu plus le tissu social et économique du pays déjà en décomposition.

Le contexte politique

Ces mauvaises nouvelles pour le gouvernement en place arrivent dans un contexte politique tendu. En mars 2015 le Parlement doit élire un nouveau Président de la République, fonction honorifique mais dont l’élection demande une majorité de 180 députés sur 300. Or la coalition gouvernementale, composée de la droite et du Pasok, n’en dispose que 155.

Si le gouvernement ne réussit pas à réunir le nombre de voix exigé, il sera obligé de convoquer des élections anticipées qui verraient à coup sûr la victoire de Syriza, en avance dans tous les sondages.

C’est exactement cette éventualité que Samaras et ses alliés tentent d’éviter à tout prix : intimidation des députés indépendants, tentatives de rachat de leurs voix, pressions diverses, chantage à la fuite des capitaux et la sortie de l’euro, pêche aux électeurs d’Aube dorée, provocations policières dans le but de déclencher des violences dans la rue. Tous les moyens sont bons pour perpétuer l’existence de ce gouvernement et de ce Parlement, en contradiction flagrante avec la volonté populaire, en usant de la peur.

Hero des Hunger Games réels

C’est dans ce contexte tendu qu’intervient la grève de la faim de Nikos Romanos qui refuse de s’alimenter depuis 25 jours et dont la vie est en danger selon les médecins. L’histoire de Romanos est celle d’une descente aux enfers, parallèle à celle du pays.

Elle commence le soir du 6 décembre 2008 au centre ville d’Athènes quand, lors d’une altercation verbale, un officier de police exécute froidement le meilleur ami de Romanos, Alexis Grigoropoulos, 15 ans, devant ses yeux. Ce meurtre a déclenché un raz de marée de frustration et de colère refoulée : des milliers de jeunes Grecs sans avenir, déjà, ont bloqué les routes et se sont affrontés à la police pendant des semaines. C’était le prélude à la catastrophe qui allait suivre.

Romanos a refait surface quatre ans plus tard sur les écrans de télévision, le visage tuméfié par les coups de policiers qui l’ont arrêté avec trois de ses camarades anarchistes pour vol à main armée et prise d’otage. En ce moment-là, en 2012, la crise battait son plein. En prison en attente de jugement, il a épousé sa petite amie et a passé l’examen lui permettant de s’inscrire à la fac, comme la loi le permet.

Sauf que la loi en Grèce est relative. Elle s’applique selon les cas et celui-ci est particulier. L’Etat autoritaire et le gouvernement aux penchants d’extrême droite veulent leur revanche. C’est ainsi que le permis de sortie pour suivre des cours à la fac est refusée à Romanos. Après 25 jours de grève de la faim, sa vie est désormais suspendue à un fil.

Entre temps, son combat est devenu une parabole de la crise, une métaphore de la perdition sociale et personnelle que tant de Grecs vivent au quotidien. Pour ses partisans, c’est désormais une figure presque mythique, le héros des Hunger Games réels comme l’a écrit avec justesse Maria Margaronis dans The Nation.

Mouvement de solidarité et provocations

C’est ce qui pousse de nombreux Grecs à montrer leur solidarité : dans les rues les manifestants crient leur colère ; dans l’hôpital où Romanos est gardé les personnels de santé offrent leur soutien ; dans les prisons les détenus refusent de rentrer dans leurs cellules ; dans des nombreuses occupations, comme celles des centrales syndicales d’Athènes et Thessalonique ; devant les micros des journalistes où universitaires, intellectuels et artistes demandent que la loi soit appliquée.

Ce weekend les milliers de manifestants dans de nombreuses villes ont à la fois commémoré le sixième anniversaire du meurtre d’Alexis, exprimé leur solidarité avec son ami et leur opposition aux nouvelles mesures de casse sociale. Ils se sont trouvés face à une mobilisation policière monstre : 8 000 policiers dans Athènes, des canons à eau, des centaines de grenades offensives – comme celle qui a tué Remi Fraisse -, et des lacrymogènes.

Aussi pour la première fois tant des policiers en civil, déguisés en émeutiers, ont fait leur apparition en masse. Protégés par les CRS, ils ont été vus mettre le feu, casser des vitrines et agir en imitant les anars. Sauf que, contrairement à ces derniers, à la fin de chaque action ils se rangeaient sagement derrière les cordons de police, comme dans cette vidéo, tournée samedi soir par un journaliste radio. Il faut croire que le gouvernement est vraiment désespéré et prêt à toute provocation pour rester eu pouvoir. Ce qui le rend dangereux…

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