Quand la pression des créanciers augmente la Grèce se divise aussi dans la rue

1L’enlisement des négociations entre le gouvernement grec et ses créanciers commence à diviser la rue athénienne et à faire monter la pression politique à l’intérieur du pays. Jeudi 18 juin, au lendemain d’un rassemblement de la gauche radicale au même endroit, a eu lieu ainsi la première manifestation anti-gouvernementale de l’ère Syriza. Sur la place Syntagma devant le Parlement se sont rassemblés, sous la bannière de l’Union européenne, plusieurs milliers de manifestants avec le mot d’ordre #MenoumeEvropi (on reste en Europe).

Deux maniféstations en deux jours à Syntagma. A droite contre l’austérité, à gauche contre le gouvernement.

Deux manifestations en deux jours à Syntagma. A droite contre l’austérité, à gauche contre le gouvernement.

Un succès pour l’opposition
Si cette protestation, avec ses quelques quatre mille manifestants, fait pale figure comparée aux manifestations massives que la gauche organise régulièrement, cet événement constitue malgré tout un succès incontestable. En effet, depuis la victoire du parti d’Alexis Tsipras en janvier dernier, les initiatives de ce type n’avaient réussi à attirer que quelques dizaines de personnes.

Derrière ce mot d’ordre rassembleur il s’agissait bien d’une manifestation contre le gouvernement. En réalité, à l’origine de l’appel se trouvent des proches de l’ancien premier ministre Antonis Samaras qui a réussi à se maintenir à la tête du principal parti de droite, la Nouvelle démocratie, malgré sa défaite cuisante. Samaras, occupant un créneau très à droite, mise depuis sur la théorie de la « parenthèse de gauche », qui signifie que le gouvernement de Syriza succombera à la pression des créanciers et perdra le pouvoir assez rapidement.

Une alliance politique contre Syriza
Mais les militants de droite n’étaient pas seuls dans cette manifestation. Des sympathisants du PASOK et surtout du nouveau parti centriste To Potami se sont joints à eux, constituant ainsi de fait un large front anti-gouvernemental et européiste. D’ailleurs, selon la presse grecque des discussion ont lieu entre les chefs de ces trois formations pour un éventuel rapprochement afin de constituer une alliance électorale.

Cette perspective est d’autant plus crédible que dans les derniers sondages, le pourcentage de l’intention de vote attribuée à Syriza est plus élevé que celui de trois partis d’opposition de droite combinés. Il apparaît ainsi que la seule possibilité pour la Nouvelle démocratie, le PASOK et le Potami de battre Tsipras en cas d’élection anticipée est de présenter des listes communes. C’est également le plan suggéré à maintes reprise par des dignitaires européens au premier chef desquels Martin Schulz, président du Parlement européen, et très actif dans les coulisses de la politique grecque.

L'appréciation du vote par Public Issue publié ce weekend. Syriza est loin devant de l'opposition.

Le sondage de Public Issue publié ce weekend. Syriza est loin devant l’opposition.

Les objectifs de #MenoumeEvropi
Le principal objectif du mouvement #MenoumeEvropi est de mettre la pression sur Tsipras pour qu’il signe un accord avec les créanciers en acceptant leurs termes les plus durs. De cette manière d’une part le maintien de la Grèce dans la zone euro sera garanti et de l’autre la preuve sera faite qu’il n’y a pas d’alternative à la politique d’austérité extrême menée depuis cinq ans. Si Tsipras refuse de capituler, l’opposition exigera des élections anticipées dans un climat politique déjà délétère.

En effet, derrière les mots d’ordre europhiles et consensuels se cache une haine très forte et violente contre Syriza et la gauche en général qui qui trouve ses origines dans l’histoire tumultueuse du pays. Les racines de la division politique en Grèce sont très profondes incluant la guerre civile entre 44 et 48 jusqu’à la junte de colonels entre 67 et 74.

Les plaies de ces périodes dramatiques ne sont pas tout à fait cicatrisées et peuvent se rouvrir dans le contexte de tension extrême qu’est celui d’aujourd’hui. Les slogans des manifestants de vendredi aux accents de Guerre froide sont à ce titre éloquents comme le sont les appels haineux sur Facebook: « Non au stalinisme », « On deviendra pas Cuba », « A bas les syndicalistes et les fonctionnaires » !

Deux manifestants. La pancarte de gauche dit: 80% de la dette c'est les retraites et salaires des fonctionnaires". Celle de gauche "Non au stalinisme en Grèce"

Deux manifestants. La pancarte de droite dit: 80% de la dette c’est les retraites et salaires des fonctionnaires”. Celle de gauche “Non au stalinisme en Grèce”

Un scenario catastrophe ?
Du côté de l’opposition certains planifient clairement un scenario à la vénézuélienne ou, pire encore, à la Maïdan. Des politiciens opportunistes et réactionnaires comme Adonis Georgiadis appellent des classes privilégiées et leurs suppôts à la désobéissance civile. Un site d’information proche de Samaras appelle à prendre la rue « y compris par la violence si nécessaire ». Dans cette bataille Georgiadis et ses semblants disposent de trois alliés de poids.

Adonis Georgiadis: vendeur de livres nationalistes à la télévision, passé par l'extrême, le député de droite est aujourd'hui une arme de communication redoutable au service de l'opposition et un personnage incontournable dans son camp.

Adonis Georgiadis: vendeur de livres nationalistes à la télévision, passé par l’extrême droite, le député de la Nouvelle démocratie est aujourd’hui une arme de communication redoutable au service de l’opposition et un personnage incontournable dans son camp.

Le premier allié sont les médias dominants qui découvrent les bienfaits de la liberté de manifester alors qu’ils n’avaient eu de cesse de casser le mouvement social et les protestations des Indignés. Non seulement ils couvrent ce mouvement de manière disproportionnée mais ils en font même la promotion de manière éhontée.

Le deuxième allié se sont les capitalistes grecs qui n’hésitent pas à financer ce type d’initiative afin d’en assurer la logistique. Ceci d’autant plus que le principal parti d’opposition, la Nouvelle démocratie, est endeté à hauteur de 160M d’euros.

La répresentation de la Commission europeene a retransmis sur Twitter une photo de la manifestation accompagnée d'un commentaire enthusiaste

La représentation de la Commission européenne a retransmis sur Twitter une photo de la manifestation accompagnée d’un commentaire enthousiaste

Le troisième allié se sont les instances européennes qui n’hésitent plus à s’immiscer clairement dans une bataille politique interne à la Grèce. Enfin, on peut s’interroger sur l’attitude de la police en cas d’incidents violents ou de provocations.

Ainsi, si Tsipras daigne ne pas signer un accord humiliant pour la Grèce, il va sans doute se trouver face à un mouvement dans la rue téléguidé et dangereux. Comme le rappelle le politiste Christophoros Vernardakis la dernière période où Athènes a connu la juxtaposition des manifestations massives de droite et de gauche est celle de l’automne 44 pendant lequel s’affrontaient dans la rue la résistance communiste et les nationalistes alliés des Britanniques.

C’était le prologue de la bataille d’Athènes de décembre 44 qui a déclenché une guerre civile dramatique et meurtrière…

2 thoughts on “Quand la pression des créanciers augmente la Grèce se divise aussi dans la rue

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  2. Et donc ?! Signer malgré tout un accord par peur de Samaras l’obèse ? 4000 personnes, les médias contre lui et Tsipras flippe et signe ? Mais non quoi !!! Pourquoi il lache ?!! Il a les grecs derrière lui et il laisse tomber ?!!! Allez, un dernier effort, le dis pas qu’il a déjà cédé !……

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